Lien vers Graphique : La croissance des Hedge Funds
“Hedge funds simply take advantage of an idiotic system. If you have this idiotic system, it's probably better to have hedge funds than not to have them, and I do not believe a “Tobin tax” is the right answer. It is instead far more important to make the system efficient. Hedge funds would go out of business if the EMU (European Monetary Union) idea were spread world-wide!”
Robert Mundell
“Global Money, Currency Areas and Economic Development”, papier présenté à la conference annuelle de la Banque mondiale sur le développement économique (ABCDE) “Global Policy Issues : New Challenges for Development”, Paris, 28 juin 2000
Définition
Les "hedge funds" sont des fonds d'investissement privés qui interviennent sur tous les marchés en utilisant les produits dérivés à fort effet de levier. L'effet de levier désigne l'effet d'amplification des aléas d'exploitation sur la rentabilité des fonds propres d'une entreprise lorsque l'on recourt à de la dette. Plus de dette signifie une possibilité de rentabilité sur fonds propres accrue mais aussi plus de risque. Ces fonds s'adressent donc à des investisseurs qui acceptent un fort risque en contrepartie d'un espoir de rendement élevé (selon l'adage " high risk, high return "). Le portefeuille d'actifs est composé de titres financés par la vente à découvert d'autres titres fortement corrélés. La vente à découvert est une opération consistant à vendre des actifs dont on ne dispose pas (ou pas encore) ; cette opération est possible lorsque la "livraison", c'est-à-dire le règlement, intervient après l'opération de vente ; elle consiste donc à "parier" sur la baisse du prix de l'actif, puisque l'on vend à un prix dont on s'attend à ce qu'il soit supérieur au prix futur d'acquisition. La stratégie des hedge funds est de couvrir en partie seulement leur portefeuille (hedging) en l'isolant du risque du marché. En effet, si la valeur du portefeuille baisse parce que le cours des actifs qui le compose baisse, la perte est compensée par un gain sur la vente à découvert. S'il s'agit d'une technique de couverture, ces sociétés ont une prise de risque parfois importante : leur allocation d'actifs les amène souvent à concentrer leurs opérations financières sur un secteur d'activité ou une seule zone géographique afin de maximiser le rendement attendu lié à la fois à une prise de risque élevée (le portefeuille est peu diversifié), mais aussi à la liberté de composer un portefeuille optimal (sans restriction sur la vente à découvert). Les hedge funds se distinguent également des autres fonds de placement par leur mode de gestion dit "alternatif", basé notamment sur un plus grand intéressement des gérants aux résultats.
Analyse
Diversité : deux grandes catégories
Il existe deux grandes catégories de Hedge Funds.
- Les "macro funds"
La première catégorie de hedge funds, devenue très minoritaire, est celle des "macro funds". Ces fonds parient sur les mouvements des monnaies, les changements de politique économique, l'évolution des taux d'intérêt, etc. Généralement, ils n'accompagnent pas leurs opérations d'une couverture sur des marchés à terme. Ils font de la spéculation pure et prennent souvent de grands risques, avec des ratios d'endettement importants. Plus l'effet de levier est important, plus les profits réalisés sont élevés si l'opération réussit, mais plus les pertes sont grandes si elle rate. Un fond à effet de levier très élevé réalisera ainsi des bénéfices bien plus importants que les autres opérateurs s'il est bien géré, mais aura aussi beaucoup plus de chances de faire faillite si sa gestion est défectueuse. Le plus connu a longtemps été le Quantum Fund de George Soros, un fonds macroéconomique célèbre pour le milliard de dollars qu'il a gagné aux dépens du gouvernement britannique en jouant massivement contre la livre sterling lors de la crise monétaire européenne de septembre 1992. Le terme "hedge" paraît mal adapté aux fonds de type Soros, dont les positions directionnelles, très médiatisées, étaient prédominantes.
- Les fonds d'arbitrage
Dans la seconde catégorie figurent les hedge funds qui pratiquent essentiellement l'arbitrage. Ces fonds utilisent des modèles sophistiqués d'analyse conçus pour identifier les possibilités d'arbitrage existants ou susceptibles d'apparaître sur les marchés. Ils jouent sur les différences de prix entre placements ou portefeuilles quasiment équivalents. Une fois identifiées les possibilités d'arbitrage, ils construisent la stratégie financière de vente et d'achat qui permettra de les exploiter au mieux. Le principe est d'acheter les valeurs qui sont sous-évaluées et de vendre celles qui sont surévaluées, cependant que simultanément on se couvre par l'achat de contrats à terme dont le rôle est de limiter les risques au cas où les hypothèses de départ ne se réaliseraient pas comme prévu. Une telle activité est relativement peu risquée et peut se dérouler en utilisant des ratios d'endettement élevés.
Source: Données de Hedge Fund Research (HFR), www.hfr.com et www.marhedge.com
(1) Classifcation HFR
(2) LA volatilité est calculée sur les performances mensuelles et sur l'ensemble de la période 1991-2000
D'où vient la gestion alternative ?
La réglementation prudentielle bancaire s'était renforcée dans les années 70-80 avec la mise en place de modèles internes (des schémas destinés à guider les établissements dans l'évaluation des risques) ; les intermédiaires financiers ont progressivement abandonné les activités de trading ou d'arbitrage pour compte propre. Ainsi de talentueux spécialistes se sont retrouvés sans job ou sans capital pour profiter des opportunités de marché. De nombreux Commodities Traders Advisors (CTA) puis des spécialistes d'instruments financiers se sont mis "à leur compte" en quittant les banques d'investissement. La demande émanant de fortunes privées américaines a semble-t-il accéléré le processus.
1998 a eu l'effet d'un coup de tonnerre pour cette industrie naissante. La moyenne des performances a été négative pour la première fois. De plus, il est apparu que les risques de crédit et de liquidité n'étaient pas suffisamment révélés, ni même parfois gérés. L'exemple de Long Term Capital Management (LTCM) est, à cet égard, un cas d'école. De nombreux fonds ont dû mettre la clef sous la porte : c'est la "fin des dinosaures". L'offre s'est progressivement restructurée à l'initiative d'une clientèle privée puis institutionnelle, d'abord aux Etats-Unis et progressivement à Londres. Les hedge funds sont devenus les "fonds alternatifs", des vitrines par leur capacité à battre le marché. Comme par ailleurs cette gestion est beaucoup mieux rémunérée, elle a permis de sortir "par le haut" d'une situation de trop grande compétition et d'insatisfaction des clients.
Pour des investisseurs plus avertis ou plus riches que la moyenne, la réglementation trop précautionneuse des mutual funds non seulement n'était pas nécessaire mais devenait gênante puisqu'elle les privait d'opportunités qu'ils auraient voulu saisir. Les hedge funds, sociétés dont le capital fermé n'est accessible qu'à un nombre limité de partenaires fortunés, ont été conçues pour que leurs gestionnaires puissent se servir librement de produits dérivés, prendre à leur guise des positions longues ou courtes et mettre en œuvre des leviers financiers destinés à amplifier les résultats (et les risques) de leur gestion.
Fonctionnement
Il est important de souligner que les hedge funds ne sont pas nécessairement les outils spéculatifs "mystérieux" que l'on a tendance à décrire. Une grande partie des stratégies suivies par les managers ne représentent en fait qu'un prolongement naturel des logiques d'application de la théorie du portefeuille. L'utilisation des ventes à découvert et des produits dérivés est totalement cohérente avec cette théorie initiée par les travaux de Markowitz en 1952, et prolongée par le Modèle d'Evaluation des Actifs Financiers (MEDAF), développé en particulier par Sharpe en 1964. D'autres stratégies, telles que le "fixed-income arbitrage" ou le "convertible arbitrage" représentent également l'application assez directe d'une autre branche de la théorie financière, la théorie des options, initiée par les travaux de Black et Scholes (1973) et Merton (1973). Tous ces auteurs ont obtenu le prix Nobel de sciences économiques.
Les principales techniques de gestion alternative sont les arbitrages sur obligations convertibles (positions longues en obligations convertibles et courtes en actions de la firme ayant émis les convertibles), les arbitrages sur fusions-acquisitions (positions longues sur les titres de la firme cible et positions courtes sur ceux de la firme acquéreuse), les arbitrages sur produits de taux (positions longues et courtes sur des produits de taux dont les rendements devraient théoriquement se rapprocher), les fonds d'assurance et de dérivés climatiques, les portefeuilles de "distressed securities" (actions ou obligations de firmes proches du dépôt de bilan), la multi-gestion et les "fonds de fonds".
Les hedge funds conduisent des stratégies caractérisées schématiquement par trois aspects :
-
Ils poursuivent une stratégie d'arbitrage. Ils corrigent donc d'éventuelles anomalies du marché et contribuent ainsi à l'efficience globale du marché. En effet, s'ils exploitent une opportunité d'arbitrage, c'est le signe que la valorisation du marché était inexacte.
-
Ils recherchent les évènements donnant lieu à de forts ajustements. Par exemple, les réévaluations de parité de change offrent des opportunités de profits importantes.
-
Les hedge funds adoptent des stratégies de placement "agressives". Ils peuvent avoir un effet d'entraînement en étant les premiers à prendre une position, ce qui incitera d'autres agents à les imiter.
Il convient de démentir deux affirmations souvent avancées : les hedge funds disposent d'informations privilégiées (les études empiriques ne permettent pas de conclure par l'affirmative) et les hedge funds disposent d'un pouvoir de marché (leur taille réduite ne semble pas devoir vérifier cette hypothèse, à moins qu'ils puissent modifier la perception des autres opérateurs et ainsi tirer le marché dans son ensemble vers des positions plus risquées).
Poids des hedge funds
Bien que leur activité se développe rapidement, les hedge funds ne représentent qu'une toute petite partie de l'ensemble des investisseurs institutionnels. Le secteur ne représente ainsi que 0,5% du capital global des institutions financières américaines. La gestion alternative connaît, après les Etats-Unis, un succès croissant auprès des investisseurs en Europe ; mais la gestion alternative souffre encore de l'image de certains hedge funds qui ont donné lieu dans le passé à des opérations peu transparentes. Les fonds représenteraient de l'ordre de 500 milliards de dollars d'investissements environ (des chiffres contradictoires circulent car tous les fonds ne sont pas déclarés et la frontière est parfois poreuse avec les fonds classiques), montant à rapprocher des 7 000 milliards d'actifs nets des mutual funds américains et des 12 000 milliards de dollars de la capitalisation boursière du New York Stock Exchange (NYSE). Dans un contexte plutôt difficile pour l'industrie de la gestion d'actifs, la classe alternative fait figure d'eldorado commercial. Cette attractivité a été renforcée par la difficile conjoncture boursière (2000-2003) qui accroît l'intérêt des investisseurs pour des offres de gestion fondant leur stratégie sur la décorrélation avec les rendements et les risques des marchés financiers.
Les risques associées à la gestion alternative, et la question de la réglementation
De façon générale, la réglementation d'activités financières se justifie par deux types de considérations : la protection des investisseurs, et la sauvegarde du système financier dans son ensemble contre d'éventuels risques systémiques.
Nous connaissons l'effet désastreux du fonds LTCM.
La gestion de la liquidité nécessaire aux appels de marge et l'insuffisance de "fonds propres" ou réserves en actifs liquides et peu volatiles au regard des effets de levier a eu raison d'une équipe de talents individuels un peu trop sûrs d'eux-mêmes (plusieurs prix Nobel d'économie étaient aux commandes…) et trop peu remis en question par leurs clients du fait des succès passés.
L'opacité des conditions de gestion des fonds, dûment sanctionnée par les marchés, et notamment l'importance des effets de levier dissimulés, ont pu légitimement poser question. En réponse à la faillite de LTCM, le groupe de travail présidentiel américain sur les marchés financiers, incluant la direction du Trésor et la Security and Exchange Commission (le "gendarme des marchés financiers" – SEC), a proposé une série de recommandations. Celles-ci ont porté sur les exigences d'information des gestionnaires et des investisseurs.
Le choc du 11 septembre 2001 a également amené les autorités américaines à faire preuve d'une plus grande vigilance ; la loi Sarbanes-Oxley de 2002 a changé la donne pour les gestionnaires de fonds. En mai 2003, la SEC a entamé une vaste discussion avec les représentants des hedge funds , notamment sur les questions liées à l'origine des fonds (dans un contexte américain de suspicion à l'égard des sources possibles du financement du terrorisme). Aucune décision n'a été prise, le secteur a été invité à mieux s'autoréguler.
Dans le cas des hedge funds, la protection des investisseurs ne constitue pas une considération pertinente.
A la différence des déposants d'une banque de détail ou des acheteurs de produits d'épargne "grand public", les clients des fonds sont aisés, avisés, souvent sophistiqués, et rien ne permet de mettre en doute leur capacité à gérer au mieux leurs placements sans le secours de protecteurs extérieurs. La plupart d'entre eux exploitent pleinement les possibilités ouvertes par la diversification de leur portefeuille, en n'investissant qu'une faible partie de leurs avoirs dans un fond particulier. Le développement rapide des "fonds de fonds" (dont l'actif se compose d'un portefeuille diversifié de fonds alternatifs) va dans ce sens. Les placements dans des fonds alternatifs ne se distinguent pas fondamentalement des autres placements, à cela près qu'il est plus difficile pour l'investisseur de comprendre exactement ce qui a été fait de son argent ; cela nécessite un effort de pédagogie et d'explicitation tout particulier de la part des gérants de fonds. Le public des fonds alternatifs étant en état d'assumer l'effort qui le concerne, il est peu probable qu'une intervention réglementaire spécifique ait une quelconque utilité.
Plus sérieux sont les arguments "systémiques", selon lesquels les pratiques de gestion des fonds feraient courir au marché un risque global, justifiant de ce fait une intervention réglementaire. Ces arguments peuvent prendre plusieurs formes. L'une part de l'affirmation que les pratiques des fonds tendraient à accroître la volatilité des marchés, voire à les déstabiliser. L'exemple de LTCM montre par ailleurs que les positions à effet de levier important peuvent déboucher sur des risques de contrepartie non négligeables, avec en arrière-plan la crainte "d'effets dominos" d'ampleur globale. Un fonds exploitant à grande échelle des effets de levier importants (ce qui n'est pas le cas de tous les fonds, loin de là) peut se trouver en situation de détresse financière, souvent de façon brusque et imprévue. Dans un tel contexte, un défaut peut avoir des effets en chaîne : incapable de remplir ses obligations vis-à-vis de ses contreparties, le fonds peut mettre celles-ci en difficulté, provoquant d'autres défauts et, dans un scénario catastrophe, un effondrement en cascade d'une partie importante du système financier, y compris de banques de dépôts ou d'établissements financiers "classiques". Cette perspective suffit généralement (comme dans l'affaire LTCM) à provoquer l'intervention ex post des autorités monétaires ; elle peut aussi bien justifier une réglementation ex ante . La question est la forme exacte que devrait prendre cette réglementation. Un premier type de réglementation concerne l'opérateur, c'est-à-dire l'équipe de gestion et les modes d'organisation du fonds. Beaucoup plus douteuses sont les réglementations portant sur les produits au sens large.
Aux Etats-Unis, les hedge funds rassemblant moins de cent actionnaires échappent aux grandes lois fédérales réglementant le fonctionnement des établissements financiers (le Securities Act de 1933, le Securities Exchange Act de 1934, l'Investment Company Act de 1940). C'est la raison pour laquelle les hedge funds limitent généralement le nombre de leurs actionnaires en dessous de cent. Les fonds étrangers, en particulier ceux localisés dans les paradis fiscaux (Bahamas, les îles Cayman…), ne sont que très légèrement réglementés (les ratios de la BRI et autres réglementations prudentielles ne s'appliquent pas). C'est également un vrai défi pour les autorités fiscales (voir Tanzi, 2000)…
Quelques éléments plus rassurants
- Les fonds alternatifs et la volatilité des marchés
Rien ne semble prouver dans la littérature académique que les fonds alternatifs tendent à accroître la volatilité des marchés, voire à les déstabiliser. Au contraire, ces fonds, en corrigeant les anomalies de valorisation, contribuent à la fixation juste des prix tout en apportant des liquidités sur les marchés. Ceci devrait avoir pour effet de diminuer la volatilité, toutes choses égales par ailleurs. Lors de la crise asiatique, les actions des hedge funds n'ont fait que refléter l'appréciation générale de la situation par les marchés. Le rôle de ces fonds dans les récentes crises (pétrole…) ne semble pas avoir été particulièrement déterminant (dans leur déclenchement comme dans le déroulement). En second lieu, les performance des fonds alternatifs, du fait même des méthodes de gestions employées, sont souvent (mais pas toujours) relativement décorrélées des titres plus traditionnels (actions, obligations, etc.) ; d'où un effet de diversification globale du marché qui, en bonne logique financière, est plutôt stabilisant. Enfin, pour commun qu'il soit, l'argument d'une hausse de volatilité due aux interventions des fonds alternatifs ne repose pas sur une base empirique solide.
- Les gains sont réels pour l'investisseur
Le niveau de profitabilité de ces fonds rémunère une véritable gestion active, permettant aux sociétés de gestion de se spécialiser plutôt que de fournir des services indifférenciés et peu rémunérateurs. De plus, le marché bénéficie de la liquidité apportée par exemple lors d'émissions de titres hybrides ou d'OPA. Enfin, le marché y trouve un plus grand nombre de contreparties au moment où le secteur bancaire se concentre.
- L'arbitrage n'est rentable que s'il anticipe effectivement les mouvements de marché
L'arbitragiste n'exerce une activité rentable que s'il anticipe correctement la tendance future des marchés et donc accélère le mouvement de convergence des prix sur des niveaux qu'ils auraient atteints sans son intervention. Le principal cas où l'on peut penser que des fonds alternatifs puissants soient structurellement déstabilisants est celui du marché des changes dans les pays ayant fait le choix des changes fixes ou de crawling peg. En effet, dans ce cas-là, la spéculation n'est plus un jeu entre arbitragistes, où les gains des uns sont les pertes des autres, mais une véritable lutte entre la banque centrale, d'un côté, et les fonds alternatifs plus ou moins coalisés de l'autre. Des fonds alternatifs puissants peuvent alors forcer une dévaluation même si elle n'apparaît pas indispensable du point de vue des équilibres économiques du pays. Il serait cependant erroné de tirer de ce constat la conclusion qu'il faudrait bannir les fonds alternatifs dits "global macro". La solution passe surtout par une meilleure gestion du change qui supprime les profits faciles tirés de l'attaque de parités rigides non crédibles. De fait, la généralisation de systèmes de changes plus flexibles a considérablement réduit les risques de crises de change et les profits tirés par les fonds de type Soros, alors que les autres types de fonds alternatifs continuaient à prospérer.
- La volatilité respective des marchés d'actions et des hedge funds
Le marché des actions a réservé dans la période récente des surprises au moins aussi importantes que les produits à effet de levier. Les hedge funds ont connu souvent des retournements moins importants que les fonds considérés comme des placements traditionnels et bien plus largement répartis dans le public. Les stratégies alternatives ne peuvent pas être traitées en bloc car elles sont très diverses. L'expérience suggère que les fonds alternatifs ne présentent pas des caractéristiques de couple rendement/risque atypique par rapport aux fonds classiques. L'idée que les hedge funds pratiqueraient une gestion risquée ne semble pas a priori confirmée par les résultats passés. Un tiers des hedge funds n'empruntent pas et, parmi ceux qui empruntent, plus de la moitié n'empruntent pas plus que les sommes investies par leurs clients. Et, pour limiter les risques de liquidité, ils interdisent traditionnellement à leurs clients de retirer leurs fonds pendant une certaine période de temps.
- Les hedge funds et l'instabilité des marchés
D'un point de vue macro, les Hedge Funds ont été systématiquement accusés de déstabiliser les marchés lors des principales crises financières des années 90 : crises du SME (1992-1993), crises obligataires (1994, 1998), crise asiatique (1997), crise russe (1998). Néanmoins, plusieurs études montrent que leur impact sur la stabilité des marchés est très limité (Eichengreen et Mathieson, 1999, Fung et Hsieh, 2000). Les arguments avancés concernant l'effet déstabilisant (recours à l'effet de levier, mimétisme des autres intervenants et positions à rétroaction positive) ne sont pas vérifiés. Ainsi, la majorité des fonds ne dépasse pas un effet de levier égal à deux. Si l'on se souvient que la gestion des fonds classiques représente plus de dix fois le montant des fonds de la gestion alternative quel que soit le théâtre d'opérations considéré, cela rend peu crédible la thèse de la déstabilisation. Même pendant la crise du SME, et notamment la chute de la livre sterling, les positions agrégées des hedge funds ne représentaient pas plus de 10% des positions ouvertes. Le mimétisme des autres intervenants est un argument de peu de portée puisque les contraintes de marchés et les contraintes réglementaires font que les acteurs de la gestion classique ne peuvent utiliser les mêmes types de stratégies. De plus, la gestion alternative ne correspond pas à un seul style de gestion et les interventions ne sont pas coordonnées. La faible corrélation des rentabilités des différentes stratégies avec les rentabilités des marchés classiques participe plutôt à la stabilité des marchés et à une réduction du risque total des portefeuilles : les pertes liées aux krachs sur les marchés classiques sont compensées (ou du moins atténuées) par les performances relatives des hedge funds.
Conclusion
La gestion alternative, loin d'être une mode passagère, participe à la recherche croissante de décorrélation des indices et de protection accrue contre la volatilité des valeurs boursières ; ses performances en termes absolus mettent en évidence ses avantages, notamment en période de baisse des cours. De même que le scandale de Panama n'a pas empêché le développement du marché des actions, le cas LTCM n'a pas empêché le développement des fonds à effet de levier.