“…so much of barbarism, however, still remains in the transactions of most civilized nations, that almost all independent countries choose to assert their nationality by having, to their own inconvenience and that of their neighbours, a peculiar currency of their own"
John Stuart Mill (1894)
Définition
Dans une dollarisation totale ou officielle, une monnaie étrangère est adoptée par un pays comme monnaie légale principale ou exclusive. Dans une dollarisation partielle ou de fait, un pays garde sa monnaie nationale en circulation, mais permet aussi d'effectuer librement des paiements et des transactions avec la monnaie étrangère.
Analyse
Après la faillite de nombreux systèmes de crawling peg (parités glissantes) à partir de la crise asiatique de 1997-1998, de nouvelles solutions ont été proposées quant aux régimes de change les plus aptes à promouvoir les objectifs de développement de chaque pays. La plus radicale de ces solutions est la dollarisation intégrale, système en vertu duquel les pays renoncent entièrement à utiliser leur propre monnaie et adoptent comme moyen de paiement légal une devise mondiale stable, le dollar des États-Unis la plupart du temps et parfois l'euro (on parle alors d'euroïsation).
En janvier 2000, aux prises avec une grave crise économique, l'Équateur, décidait d'adopter le dollar des Etats-Unis en tant que monnaie ayant cours légal dans le pays. D'éminents économistes ont commencé à préconiser la dollarisation pour pratiquement tous les PVD, et même pour certains pays industrialisés. Entre-temps, les caisses d'émission ont été les victimes d'attaques spéculatives ruineuses. L'Argentine et Hong-Kong, qui utilisaient avec succès des caisses d'émission, ont récemment connu des crises qui se sont traduites par une hausse brutale des taux d'intérêt et une grave récession (surtout en Argentine).
En réalité, l'adoption officielle de cette solution dans un pays fait souvent suite à une pratique plus ou moins large de l'usage de devises étrangères pour les transactions courantes. On comprend qu'il faille se protéger d'une inflation élevée, aussi bien pour la fixation des salaires – le pouvoir d'achat de salaires établis en devises ne souffre pas de l'inflation nationale si le taux de change intègre les variations relatives de prix – que pour l'épargne – avec le même raisonnement. Aussi longtemps qu'il n'y a pas de contrôle de change, les banques résidentes peuvent même utiliser cette possibilité de dépôts en devises pour attirer la clientèle.
Il existe entre la dollarisation officieuse et la dollarisation intégrale des différences importantes qui peuvent poser des problèmes de transition aux autorités qui envisagent cette solution. Dans un régime entièrement dollarisé, toutes les dettes publiques et privées sont libellées en dollars, et les comptes publics et privés doivent l'être également. Pour réaliser cette conversion, les pays doivent décider du taux de conversion en dollars des dettes, des contrats et des actifs anciens. Avec la dollarisation intégrale, on passe de l'utilisation limitée et officieuse d'une monnaie étrangère à son utilisation officielle pour la totalité des transactions.
Quels pays ont des chances de tirer avantage de la dollarisation ?
Le premier groupe est celui des pays dont l'intégration commerciale et financière avec les États-Unis (ou l'Union Européenne) est très avancée. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce n'est pas le cas des économies d'Amérique latine, dont la structure est assez différente de celle des Etats-Unis et qui n'ont pas vocation à procéder à une intégration poussée, du même type que celle de l'Union européenne, avec cette économie. De ces pays, on peut dire que la dollarisation ne leur profiterait guère.
Le débat actuel se focalise sur une autre catégorie de candidats : les pays à marché émergent exposés à des flux de capitaux volatils. Les entrées de capitaux produisent une forme de dollarisation spontanée (cf. article sur les currency boards) que l'on peut avoir intérêt à rendre officielle :
- De facto, la dévaluation n'est plus utilisable
- Si les engagements (promesses de payer) des banques et des entreprises sont exprimées en dollar, toute dévaluation devient risquée, car elle accroît les dettes de ces agents
- Si les prix sont exprimés, au moins de manière implicite, en dollars, la dévaluation n'aurait pas d'effet concret sur les pratiques commerciales, donc sur les importations et les exportations
- Les avantages d'une monnaie nationale se sont plus substantiels
- Dans une économie déjà fortement dollarisée, le bénéfice de la création monétaire (ou seigneuriage) serait une faible source de recettes
Dans de telles conditions, la dollarisation pourrait être plus avantageuse que coûteuse.
La dollarisation peut prendre des formes multiples
Il est utile de distinguer trois types de dollarisation, correspondant aux trois fonctions de la monnaie :
-
La dollarisation des paiements : le dollar est utilisé essentiellement comme moyen de paiement. Cela correspond à la fonction "moyen de paiement de la monnaie"
-
La dollarisation financière : les résidents détiennent des actifs financiers en dollars. On retrouve ici la fonction de "réserve de valeur"
-
La dollarisation réelle : les prix et/ou salaires intérieurs sont fixés en dollars. Il s'agit de la fonction "étalon de valeur" de la monnaie.
Il convient par ailleurs de faire une distinction entre les deux motifs de la demande de monnaies étrangères : la substitution de la monnaie et la substitution des actifs.
a. Dans le cas de la substitution de la monnaie, la monnaie étrangère sert essentiellement de moyen de paiement et d'unité de compte. Cette tendance s'observe typiquement en conditions d'inflation élevée, lorsque le coût de l'utilisation de la monnaie nationale pour les transactions pousse le public à chercher des solutions de rechange. Une fois prise, l'habitude d'utiliser une monnaie étrangère pour les transactions est souvent tenace. Cette forme "spontanée" de dollarisation a connu une vogue persistante qui est allée en s'accélérant dans certains pays d'Amérique latine et d'Asie au cours des récentes années, même après la stabilisation de l'inflation.
b. La substitution des actifs est une tendance qui découle de l'évaluation comparée du risque et des possibilités de rendement des actifs libellés en monnaie nationale et en devises. Historiquement, les actifs libellés en monnaies étrangères ont permis à leurs détenteurs de se prémunir contre les risques macroéconomiques ; par exemple, l'instabilité des prix et les périodes prolongées de dépression qui ont sévi dans de nombreux pays en développement. Même après le retour de la stabilité, les actifs libellés en monnaies étrangères peuvent continuer à jouer ce rôle d'assurance si leurs détenteurs croient qu'il persiste un risque de retour de l'inflation.
Il n'existe qu'une poignée d'économies totalement dollarisées (Salvador, Équateur et Panama), mais la dollarisation partielle est très répandue. Le ratio dépôts en monnaies étrangères sur total des dépôts a augmenté ces dernières années en Amérique latine, en Asie, en Afrique et dans les pays en transition d'Europe.
Pourquoi dollariser ? Les arguments "pour"
La dollarisation peut séduire à plus d'un titre. Pour autant, la plupart des arguments sont employés au conditionnel car leur réalisation dépend d'un grand nombre de paramètres.
- La dollarisation permet d'éliminer le risque de change
Il s'agit d'une constatation d'évidence puisqu'il n'y a plus de monnaie nationale. Cet argument est d'autant plus important que les crises de change se transforment assez facilement en crises économiques et pèsent sur l'avenir en accroissant pour longtemps le poids de la dette extérieure. Pour autant, la dollarisation n'écarte pas le spectre de toutes les crises externes puisque les problèmes budgétaires et les déficiences du système financier d'un pays risquent tout autant de faire fuir les investisseurs. De fait, le Panama, qui a instauré la dollarisation en 2000, a traversé plusieurs crises de ce type.
En outre, la a dollarisation aurait pour effet, à terme, de faciliter l'intégration avec les économies du monde entier et d'atténuer de ce fait le risque d'isolement du système financier des pays qui optent pour ce régime, un aspect qui milite puissamment en sa faveur.
- La dollarisation contribuerait à l'assainissement du secteur financier comme condition d'une croissance économique forte et durable.
Cela repose sur l'idée que la dollarisation serait perçue comme un changement institutionnel irréversible propice à une baisse de l'inflation et favorable à la responsabilité financière et à la transparence.
- La dollarisation intégrale faciliterait l'intégration commerciale dans l'économie mondiale
Selon un certain nombre d'études, l'intégration commerciale, mesurée par le volume des échanges et les différences de prix, serait plus poussée entre les provinces canadiennes qu'entre ces dernières et les États américains pourtant plus proches géographiquement. Les provinces canadiennes commercent en effet environ vingt fois plus entre elles qu'avec les États-Unis. L'utilisation d'une monnaie commune pourrait donc constituer un facteur vital de l'intégration des marchés, compte tenu du coût assez modique des transactions transfrontières entre les Etats-Unis et le Canada et du caractère limité des restrictions aux échanges entre les deux pays.
- Le pays dollarisés, en supprimant entièrement le risque de dévaluation de sa monnaie, profite de ce fait d'une baisse des taux d'intérêt sur ses emprunts à l'étranger
Les économies dollarisées pourraient ainsi bénéficier de l'effet d'une plus grande confiance des investisseurs internationaux, d'un rétrécissement de la marge de taux d'intérêt sur leurs emprunts internationaux, d'une baisse des coûts budgétaires des emprunts et d'une hausse de l'investissement et de la croissance.
La réduction de la prime de risque-pays appliquée aux emprunts contractés à l'étranger et la baisse des taux d'intérêt payés par l'État et les investisseurs privés comptent parmi les avantages immédiats de la suppression du risque de dévaluation. Des taux d'intérêt plus bas et une plus grande stabilité des mouvements internationaux de capitaux se traduisent par une diminution du service de la dette publique, qui s'accompagne d'une progression de l'investissement et de la croissance économique. Il n'est pas facile de mesurer l'ampleur de ce gain potentiel. Avec la dollarisation, les primes d'intérêt liées au risque de dévaluation disparaîtraient, mais pas le risque souverain. Dans une économie entièrement dollarisée comme celle du Panama, l'absence de risque monétaire ne met pas ce pays à l'abri des fluctuations de l'opinion des marchés sur les économies émergentes.
- La dollarisation protègerait de la tentation de la dévaluation
Les pays où la dollarisation des actifs financiers est déjà très avancée ont une raison supplémentaire d'éviter la dévaluation. Si les banques ou les entreprises d'un pays ont emprunté des sommes importantes en dollars, toute dévaluation aura un effet négatif sérieux sur leur bilan. Même si les banques prêtent ensuite ces mêmes dollars aux entreprises nationales, elles n'en seront pas pour autant à l'abri d'un risque de change. Une dépréciation brutale de la monnaie nationale entraînera en effet une baisse importante des recettes en dollars de leurs clients, réduisant ainsi l'aptitude de ces derniers à assurer le service de leurs dettes en dollars.
Comme l'ont démontré les crises survenues au Mexique en 1994 et en Asie de l'Est en 1997, les dévaluations sur fond de systèmes bancaires affaiblis et d'engagements en devises importants du secteur privé nuisent à la santé financière des banques et des entreprises. Ainsi, la dévaluation peut devenir une solution d'un coût prohibitif pour les économies hautement dollarisées, et la transition vers une dollarisation intégrale ne pas signifier la perte d'un moyen d'action important.
- La dollarisation intégrale est quasi-irréversible, ce qui accroît la crédibilité des engagements extérieurs
Les différences entre les régimes de caisse d'émission et de dollarisation sont peu nombreuses, mais importantes. La dollarisation se distingue surtout par son caractère (quasi) définitif. Il serait bien plus difficile de revenir sur la dollarisation que de modifier ou d'abandonner un système de caisse d'émission. En fait, les principaux avantages de la dollarisation découlent de sa crédibilité, elle même liée à sa quasi-irréversibilité.
- Les populations bénéficieraient d'une monnaie au pouvoir d'achat stable
La dollarisation tient souvent à des antécédents d'instabilité macroéconomique. Les populations préfèrent détenir une monnaie dont le pouvoir d'achat est relativement stable. C'est pourquoi les résidents de pays où a toujours régné une inflation élevée et instable préféreront une monnaie étrangère dont la valeur est plus stable. La simplicité, la transparence et la crédibilité des instruments en dollars sont peut-être les facteurs qui font pencher la balance en faveur d'une dollarisation partielle.
La Bosnie-Herzégovine, Israël, le Mexique, la Pologne et la Slovénie ont dédollarisé leur économie après avoir appliqué une politique crédible de lutte contre l'inflation. Dans certains de ces pays, la dédollarisation a été soutenue par des réglementations, et même par une conversion forcée en monnaie nationale des actifs ou passifs en dollars. Mais, pour des raisons qui ne sont pas bien comprises, la dollarisation a persisté, voire progressé dans de nombreux pays même après la stabilisation de la monnaie nationale. Pour les pays tentés par la dédollarisation forcée, la fuite des capitaux peut être considérable. En 1982, au Mexique, elle a été estimée à 6,5 milliards de dollars. Mais même cette fuite n'assure pas toujours un recul soutenu de la dollarisation, comme en témoignent la Bolivie et le Pérou depuis le début des années 1980.
Les risques de la dollarisation. Les arguments "contre"
- Un pays qui adopte une devise étrangère comme monnaie légale perd le seigneuriage, c'est-à-dire les recettes que peuvent tirer les autorités monétaires de leur droit de frapper monnaie.
Le coût immédiat de cette renonciation peut être important, et il se répète année après année, alors que l'adoption d'un currency board ne se traduit pas par une perte du seigneuriage.
Dans le cas de l'Argentine, et dans le cadre d'une stratégie de dollarisation intégrale, le coût du rachat de la monnaie nationale en circulation atteindrait environ 15 milliards de dollars, soit environ 4 % du PIB. De plus, la perte de seigneuriage atteindrait environ un milliard par an (0,3 % du PIB). Pour les pays qui ne disposent pas déjà de réserves suffisantes de devises pour procéder au rachat de la monnaie nationale, l'opération pourrait entraîner des coûts indirects supplémentaires.
Ce que perdraient en termes de seigneuriage les pays optant pour la dollarisation, les États-Unis le gagneraient. Il pourrait donc paraître logique que les autorités américaines envisagent de partager leurs gains dans une plus ou moins grande mesure avec les pays dollarisés. L'entente intervenue entre l'Afrique du Sud et les trois autres pays qui utilisent le Rand (Lesotho, Namibie et Swaziland) constitue un précédent à cet égard. Par ailleurs, même si les États-Unis n'ont signé aucune entente de partage du seigneuriage avec le Panama ni aucun autre pays dollarisé, des projets en ce sens ont été portés à l'attention du Sénat américain.
- Si une dollarisation partielle peut accroître l'intermédiation financière dans certains pays, elle expose aussi davantage le système financier aux risques de liquidité et de solvabilité.
Lorsque ces risques ne sont pas bien évalués et maîtrisés par les institutions financières et autres opérateurs, ils peuvent être source de turbulences en provoquant des retraits massifs de dépôts bancaires et des crises financières.
a. Dans un système totalement dollarisé, il y a risque de liquidité lorsque la couverture des passifs en dollars des banques est insuffisante. Une augmentation supposée du risque-pays ou du risque bancaire pourrait pousser les déposants ou autres créanciers à convertir leurs dépôts en dollars liquides (monnaie fiduciaire) ou à les transférer – même en dollars – dans un établissement financier étranger.
- Cas n° 1 : Si l'établissement financier national ne dispose pas d'actifs liquides en dollars pour faire face au retrait de monnaie fiduciaire (en dollars) à ses guichets, il peut s'en procurer à la Banque centrale.
- Cas n° 2 : Confronté à un transfert de dollars à l'étranger, l'établissement financier dispose d'une moindre capacité de prêt en interne. Il sera tenté de se refinancer auprès de la Banque centrale, ce qui diminuera les réserves en dollars de cette dernière.
Les ruées sur les passifs en dollars peuvent être provoquées par une détérioration de la situation macroéconomique, comme au Mexique en 1982, en Argentine et en Uruguay en 2001, en Bolivie en 2003, etc.
b. Dans les systèmes financiers partiellement dollarisés, les risques de solvabilité résultent aussi des effets des fortes dépréciations de la monnaie nationale sur la valeur nette (actif moins passif) des devises étrangères.
Lorsqu'une banque accepte des dépôts en monnaies étrangères et accorde des prêts en monnaie nationale, elle s'expose au risque de change. Si ses passifs en monnaies étrangères d'une banque sont plus élevés que ses actifs dans les mêmes monnaies, une dépréciation de la monnaie nationale réduira son patrimoine net : sa solvabilité est alors compromise.
La Banque centrale n'est cependant pas sans capacité de réaction. Il suffit qu'elle ait constitué à l'avance les réserves requises pour faire face aux retraits en dollars. A défaut, il lui faudra obtenir des lignes de crédit auprès des banques internationales.
Par contre, elle est en situation beaucoup plus délicate en cas de ruée soudaine et générale sur les guichets car elle sera incapable de garantir l'ensemble du système de paiements ou la totalité des dépôts bancaires. Cette capacité repose en effet sur le droit de créer de la monnaie ; comme elle s'en est défaite, elle ne peut jouer son rôle de prêteur en dernier ressort. L'obtention de prêts internationaux dans ces circonstances est difficile et le plus souvent soumise à conditionnalité. Un pays entièrement dollarisé qui a épuisé ses réserves en devises pourrait bien se trouver à court de ressources…
- En optant pour la dollarisation intégrale, un pays se prive de toute possibilité d'avoir une politique monétaire et une politique de change autonomes.
Cette situation peut paraître identique à celle créée par l'arrimage ferme dans le cadre d'une caisse d'émission, qui interdit lui aussi la dévaluation. Toutefois, un pays qui opte pour la caisse d'émission se ménage une porte de sortie, il peut se dégager d'une situation désespérée. En fait, c'est l'élimination de cette porte de sortie qui constitue l'objectif principal de la dollarisation intégrale ; mais cette irréversibilité peut coûter cher.
Des chocs importants peuvent pousser un pays à dévaluer sa monnaie. Autrement, ces chocs devraient être absorbés par une baisse des salaires nominaux et une récession grave, en particulier dans les économies caractérisées par un marché du travail rigide. Des expériences comme la dévaluation du franc CFA en 1994 suggèrent qu'en cas de chocs inattendus, une porte de sortie peut être extrêmement utile. Pendant la Grande Dépression, par exemple, les pays industrialisés qui se sont le mieux tirés d'affaire sont ceux qui ont renoncé le plus rapidement au régime de taux fixes de l'époque. Ce fut la même chose, toutes proportions gardées, lors des crises du SME de la première moitié des années 90.
Contrer les risques
Les gouvernements de certaines économies dollarisées appliquent des mesures complémentaires pour réduire la vulnérabilité de leur système financier. Il s'agit de mesures prudentielles visant à maîtriser les risques de liquidité et de solvabilité de la dollarisation, d'une part, de mesures destinées à rendre la monnaie nationale plus attrayante et donc, l'intérêt de la dollarisation, d'autre part.
- Mesures prudentielles
Un volume élevé d'actifs liquides en monnaies étrangères en espèces ou déposés à l'étranger sert souvent de volant de sécurité.
Dans certains pays, une grande partie de ces actifs liquides correspond aux réserves de change de la Banque centrale. Dans d'autres, les institutions financières déposent aussi une grande quantité d'actifs liquides à l'étranger, soit volontairement, soit en application de la réglementation prudentielle (sous forme de liquidités ou de réserves obligatoires). L'objectif de cette réglementation est d'assurer que les banques partagent le coût de détention de liquidités élevées et internalisent donc les risques inhérents à une économie dollarisée.
- Mesures préventives
Les mesures préventives visent à maintenir ou accroître l'attrait de la monnaie nationale, pour réduire les risques et les coûts liés à son utilisation. Elles passent par les canaux traditionnels de la politique monétaire
Il s'agit notamment de maintenir l'inflation à un faible niveau, d'éliminer le plafonnement administratif des taux d'intérêt, de réduire les coefficients élevés de réserves obligatoires non rémunérées sur les dépôts en monnaie nationale, d'adopter le ciblage de l'inflation et des régimes de change plus flexibles, de développer le marché des titres publics libellés en monnaie nationale et de rendre plus efficace le système de paiement national.
Conclusion
-
Il est difficile de peser le pour et le contre de la dollarisation intégrale compte tenu de l'absence pratiquement totale de faits d'expérience en cette matière.
Le Panama est le seul pays à avoir adopté, depuis une période suffisamment longue pour l'évaluation, une monnaie étrangère en tant que monnaie ayant cours légal. Or ce pays est relativement petit et il entretient avec les États-Unis des liens historiques, politiques et économiques très étroits (jusqu'à très récemment, on pouvait même parler de quasi-protectorat). Ce manque d'exemples concrets s'explique par le caractère quasi définitif de la dollarisation et par le fait que certains de ses avantages ne se font sentir qu'à long terme.
-
L'utilisation croissante du dollar pour les transactions réelles et financières est souvent une réaction des citoyens d'un pays à l'instabilité de la monnaie nationale.
Cependant, si l'usage du dollar peut donner lieu à une plus grande stabilité macro, il peut aussi rendre le système financier plus vulnérable. En outre, il peut être très difficile de "dédollariser", même si le pays a continué d'utiliser en parallèle sa propre monnaie et s'il en a stabilisé la valeur. En conséquence, la prudence est de mise. Finalement, la stabilité promise par la dollarisation est relative en soi puisque le dollar américain (comme toute autre monnaie forte choisie par le pays) verra sa valeur fluctuer par rapport à celle des autres monnaies échangées dans le monde ; et ces fluctuations ont parfois été très importantes.
- Les nations hésitent toujours à abandonner leur monnaie, laquelle est vue comme un symbole quasi-sacré, surtout s'il est question de la remplacer par la monnaie d'un autre pays.
L'injonction de Rudiger Dornbush ("Petits pays à monnaie faible : abandonner votre monnaie de singe !") reste largement lettre morte. On peut s'attendre en pratique à une résistance politique farouche ; seule une situation de crise grave peut vaincre ce réflexe souverainiste, de sorte que la dollarisation ne peut probablement pas passer "à froid".