Mécanismes et concepts
Démarchandisation
Ce concept renvoie aux relations entre l’Etat et le marché et il permet de mesurer le degré d’engagement pris par un Etat afin de réduire la dépendance des individus ou de la famille vis-à-vis du marché pour s’assurer un niveau de vie socialement acceptable.
On parle par exemple de démarchandisation lorsque les droits sociaux s’appuient sur le statut de droits sur la base de la citoyenneté plutôt que sur la performance ou sur la participation au marché du travail.
Défamilialisation
Le concept de défamilialisation renvoie à la relation entre l’Etat et la famille. Elle permet de mesurer le degré de dépendance de l’individu par rapport aux solidarités familiales et conjugales. Ainsi, un régime familialiste est un régime qui assigne la garantie du bien-être individuel au ménage et un régime où il y a défamilialisation permet à l’individu de contrôler les ressources économiques indépendamment de ses liens familiaux.
Désaffiliation
Cette notion est due au sociologue Robert Castel qui l’a développée dans son ouvrage Les Métamorphoses de la question sociale (1990). Elle recouvre l’idée d’une « rupture du lien sociétal », d’un certain processus de dissolution du lien social qui accompagne une fragilité économique. Ce processus conduit à l’exclusion et à la pauvreté. A travers cette notion, il a très bien montré que la désaffiliation n’est pas seulement liée à des difficultés économiques mais s’accompagne également d’une rupture du lien social qui passe par l’absence de relations sociales. Ainsi, « être dans la zone d'intégration signifie que l'on dispose des garanties d'un travail permanent et que l'on peut mobiliser des supports relationnels solides ; la zone de vulnérabilité associe précarité du travail et fragilité relationnelle ; la zone de désaffiliation conjugue absence de travail et isolement social. »
Disqualification
Ce concept que l’on doit en particulier à Serge Paugam dans son ouvrage La disqualification sociale, essai sur la nouvelle pauvreté (1991), permet d’étudier l’exclusion sociale. Cette notion permet d’analyser la manière dont les individus perçoivent l’échec social non seulement le leur mais également celui des autres. Il s’agit donc d’étudier le discrédit porté sur ceux qui ne participent pas pleinement à la vie économique et sociale. Discrédit qui s’appuie à la fois sur des éléments subjectifs et objectifs. En effet, il s’agit d’un processus de jugement intersubjectif qui s’appuie sur des éléments objectifs comme l’emploi, le statut, la position dans la hiérarchie sociale. La disqualification est donc le résultat de logiques d’étiquetage. Et comme l’avaient très bien montré E. Goffman et H. Becker, les individus sur lesquels portent cet étiquetage ne sont pas passifs dans ce processus : ils peuvent l’accepter, le refuser ou s’en accommoder selon différentes stratégies. Ce concept permet donc de rendre compte de la violence des dispositifs de la protection sociale pour ces individus qui se voient assigner un nouveau statut qui contribue souvent à leur sentiment d’infériorité sociale. Ainsi, la disqualification est un processus dynamique à la fois symbolique et pratique qui conduit à un sentiment d’inutilité sociale et donc à une dévalorisation des identités individuelles des disqualifiés.
Démocratisation scolaire/massification scolaire
Ces deux notions mettent en avant l’évolution contemporaine de l’Ecole en France. Si, du point de vue quantitatif, l’évolution contemporaine va dans le sens d’une massification scolaire, avec la prolongation de la durée moyenne de la scolarité et l’augmentation du nombre des diplômés, d’un point de vue plus qualitatif, le bilan est plus nuancé. Derrière la notion de démocratisation c’est bien cette dimension qualitative et surtout le rôle d’amélioration de l’égalité des chances qui est en question puisque la démocratisation pose l’enjeu de la réussite des plus défavorisés socialement et culturellement. Or, en France, l’institution scolaire aujourd’hui ne parvient plus à réduire les inégalités qui ont même plutôt tendance à se creuser en son sein.
Citoyenneté selon T. Marshall
En 1949, Terence Marshall a développé l’idée selon laquelle la citoyenneté se serait déployée de manière progressive selon trois strates successives à partir du XVII ème siècle.
La citoyenneté civile comme reconnaissance du droit notamment de propriété se développe avant même la démocratie au cours du XVII et XVIII ème siècles. Progressivement, avec les révolutions, elle implique le droit à la sûreté individuelle, à la liberté d’opinion et de religion, à la propriété et un égal accès aux tribunaux.
La deuxième dimension de citoyenneté politique apparaît au cours du XIXème siècle et inclut l’exercice des droits politiques comme le droit de vote et d’éligibilité ou l’imposition progressive du suffrage universel.
Enfin, la citoyenneté sociale émerge avec la reconnaissance des droits économiques et sociaux et donc l’établissement de la protection sociale.
Pour Marshall la citoyenneté sociale est nécessaire à la citoyenneté politique, et la citoyenneté civile à l’établissement de la citoyenneté politique. Selon lui, la citoyenneté se renforce et chaque phase consolide la précédente. Il a donc une perspective évolutionniste. Sa chronologie s’adapte néanmoins mieux au Royaume-Uni qu’à d’autres pays comme l’Allemagne par exemple.
Solidarité chez Durkheim
La manière dont la société fait corps, notamment au regard du processus d’individualisation caractéristique de la modernité, est une problématique qui traverse toute la sociologie et constitue un enjeu fort de la cohésion sociale. Émile Durkheim a posé ces questions dans son ouvrage De la division du travail social (1893). Pour comprendre comment les sociétés modernes font corps et à quelles conditions, il a élaboré la distinction entre deux modèles de solidarité caractérisant deux types de société : la solidarité mécanique et la solidarité organique.
La solidarité mécanique, typique des sociétés communautaires, est fondée sur la ressemblance (solidarité par similitude). Les individus ont des comportements et des activités peu différenciés. Ils sont semblables parce qu’ils adhèrent aux mêmes valeurs, partagent les mêmes formes de sociabilité. Le lien social y est mécanique. La solidarité organique est celle des sociétés modernes marquées par la division du travail. Les individus sont différents et occupent des fonctions spécialisées. Pour les remplir, chacun dépend des autres et est de plus en plus en relation avec eux. Le lien social est organique et repose sur la complémentarité. Les sociétés passent d’une solidarité à l’autre avec le développement de la division du travail.